Sempre morei aquí

J'ai toujours vécu ici.
Je suis né de la torpeur humide,
Un jour de grande marée.
Et les cités de roc où se cachent les scarabées
Portent mon visage, sculpté entre deux grottes.

J'ai toujours vécu ici.
Chaque fois que tombe la pluie
- Je dis la pluie, pas votre pluie,
Je parle de la pluie,
Celle qu'on attend du soir jusqu'au matin
Et du matin jusqu'à la pluie -
Lorsque la pluie tombe,
Chaque fois que la pluie tombe
- Je dis la pluie, pas votre pluie,
Je parle de la pluie,
Celle qu'on attend du soir jusqu'au matin
Et du matin jusqu'à la pluie -
Je vais à nouveau, vierge de souvenirs
Vierge de sentiments, vierge même de ce pays
Qui pourtant est à moi
Car j'ai toujours vécu ici.

Et depuis, chaque fois que tombe la pluie
- Je dis la pluie, pas votre pluie,
Je parle de la pluie,
Celle qu'on attend du soir jusqu'au matin
Et du matin jusqu'à la pluie -
Un grand vent souffle du Sud, et chasse les feuilles des arbres avoisinants vers l'eau
Les feuilles mortes, et en toutes saisons,
Car il n'y a pas de temps chez moi
Et j'ai toujours vécu ici.

Ilha do Mosqueiro, 23 juin 1978

 

 

 

 

 

 

 

 

Sans filet

Dites-moi que je suis un funambule
Un pied devant l'autre précautionneusement, précautionneusement posé
Dites-moi que je me balance au-dessus des maisons
Au-dessus des badauds, au-dessus de la ville,
Un balancier entre les mains.

Dites-moi que je suis un funambule
Si sous moi la rue bouge, c'est à cause du vent
Et un pied devant l'autre précautionneusement, précautionneusement posé
Je m'aventure sur mon fil
Un balancier entre les mains.

Dites-moi... Non ! Je ne suis pas un funambule !
Pas de fil sous mes pieds, de maisons, ni de badauds !
Dites-moi seulement pourquoi sans vent la rue bouge
Et pourquoi yeux bandés je m'avance
Un pied devant l'autre précautionneusement, précautionneusement posé
Un balancier entre les mains.

A bord de l'"Afrodise", 1er novembre 1978

 

 

 

 

 

 

 

 

Distique

Savoir qu'elle est, en quelque sorte,
Toute réponse à mes questions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Opus 3

Wäre die Luft ein Traum, et l'eau une senteur
Gingen wir hacia l'alba, in deinem Hand mein Hand
Bei den Toren der Stille saldría un sonido
Wessen harmónicas bañarían al Weltall.
Wäre die Luft ein Traum...

(Bien sûr, ça peut se dire tout en français, mais franchement ça y perd :)

Si l'air était un rêve, et l'eau une senteur
Si nous allions vers l'aube, dans ta main ma main
Aux portes du silence il sortirait un son
Dont les harmoniques baigneraient le cosmos.
Si l'air était un rêve...

Paris, novembre 1974

 

 

 

 

 

 

 

 

Quatre Haïkaï

                      I
Le temps nous envahit ; le vent frappe ;
et la mer crie ses gloires et ses deuils

                      II
Les mots broyés par la nuit, craintifs, se
pressent à ma fenêtre, puissants

                      III
Devant la lune, face aux rideaux d'acier,
les arbres d'encre de Chine

                      IV
Nuit grise, arbres noirs, le vent rouge et moi
sur la tempête, ailleurs, air ou vie

Vauluisant, décembre 1974

 

 

 

 

 

 

 


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