Bordelais, Portugais ? En fait cela revient un peu au même : Bordeaux
a accueilli à partir du XVIe siècle, mais surtout à
partir du XVIIIe siècle de nombreux (toutes proportions gardées)
juifs d'origine portugaise ou espagnole, forcés de se convertir
au catholicisme, mais continuant à pratiquer le judaïsme en
secret. L'Inquisition leur rendant le séjour au Portugal difficile,
ils émigrèrent vers Amsterdam, où leur pratique était
tolérée, ou vers Bordeaux et Bayonne où, même
si tout le monde savait à quoi s'en tenir sur les "marchands portugais",
les autorités fermaient les yeux, d'autant que ces commerçants
prospères et dynamiques étaient appréciés et
respectés. Bordeaux était le principal port pour le commerce
avec les Antilles, avec le sinistre commerce triangulaire fer et verroteries
- esclaves - sucre.
A la fin du XVIIIe siècle, la tolérance progresse et la
fiction des "nouveaux chrétiens" n'est plus nécessaire. Les
communautés, à Bordeaux et à Pont-Saint-Esprit (faubourg
de Bayonne) deviennent visibles et s'organisent ; de nombreuses archives
de cette période subsistent. Dans le judaïsme français
de la fin de l'Ancien Régime, les juifs du Sud-Ouest se perçoivent
comme une élite, plus éduquée et mieux intégrée
que ceux des autres régions. A la Révolution, ils deviennent
citoyens sans difficulté.